La loge
Renoir - 1874

tuyauterie mentale
Un jour, ses yeux, son regard, de trop près sans doute, j'ai vu le globe, l'organe je veux dire, avec les petits vaisseaux, la ribambelle de muscles, les mouvements rapides, tensions et relâchements, il doit régner un sacré vacarme là-dessous ! Cela m'a rappelé quelques souvenirs personnels lorsque par d'étranges circonstances, le décor s'entrebâille et que l'on perçoit derrière les habituelles fioritures de la réalité la machinerie elle-même. Il y a d'abord ces mémorables crises de panique quand soudainement les objets autour de moi se mettent à grossir démesurément. Albert Hoffman, l'inventeur du LSD, décrit une expérience similaire lorsqu'il testa pour la première fois sa substance (n'en connaissant pas le dosage, il en avait absorbé une quantité quasiment mortelle). Il y a aussi ces absences de quelques secondes que les épileptiques désignent sous le nom de "petites crises". Ou encore cette impression si particulière (elle aussi bien connue des drogués) de perdre définitivement la raison. A chaque fois, je suppose que ma tuyauterie chauffe un peu trop et dans le fond, ces aventures restent anecdotiques. Ce qui m'intéresse, c'est ce qui se passe à l'autre bout de ma conscience. J'imagine une source perdue au milieu d'une immensité de calme, le point de départ d'un flux régulier, un écoulement montant depuis les profondeurs, quand le silence se change en quelque chose d'infime mais dont l'existence ne fait plus aucun doute. Et c'est bien ce qui compte, cette certitude née d'une petite agitation, de ces mouvements désordonnés, de toutes ces couleurs qui me regardent. Ses longs cils battent la mesure. Elle a sûrement mis un peu de mascara. Le subterfuge fonctionne parfaitement.
Ce site rassemble quelques textes de jeunesse. Bonne lecture.