«Sanctus, Sanctus, Sanctus», une grande montée presque à l'unisson, où chaque pas, soutenu par des cuivres -les interprètes du monde divin-, rappelle la direction, puis ce plateau culminant mais toujours en mouvement, avant de redescendre sur la Terre, «Dominus Deus Sabaoth (Le seigneur, le Dieu des armées)», avec un maintien magistral qui rappelle l'œuvre pour orgue. Déjà les circonvolutions commencent à résoudre, comme pour passer à la suite. Si le monde se réduisait aux choses de l'esprit, cela pourrait être le cas. Mais la foi suit d'autres chemins que ceux de l'intellect. Depuis sa création pour le Noël de 1724, Bach n'a eu de cesse de revenir à son Sanctus. Lui qui se corrigeait d'habitude si peu, il y consacra même les derniers jours de sa vie. Tour à tour, chacune des six voix renaît. Il n'y a plus de thème apparent. Seule une croissance végétale, une courbe aurait dit Debussy. L'éveil de la conscience à la figure parfaite, la folle ronde des violons, le monde terrestre tout entier, le cœur qui bat son plein, jusqu'à cette reprise crescendo par les cuivres, telle une révélation venue de l'intérieur.
JS Bach, Messe en si mineur, Sanctus La Petite Bande, Gustav Leonhardt, 1985